Ce brin d’histoire de Paris se joue au XIXème siècle. Avec l’industrialisation et l’exode rural de plus en plus important, la population de Paris grandit spectaculairement. Elle double en un demi siècle (500 000 parisien en 1801, 1 million en 1851) et ses limites, le mur des fermiers généraux construit en 1790, commencent à devenir aussi étroites qu’obsolètes.
Les faubourgs à l’intérieur de l’enceinte et les communes limitrophes (Belleville, Charonne, La Chapelle, Vaugirard etc.) voient leurs échanges économiques s’accroître avec leurs populations respectives. Les taxes (l’octroi) frappant à leur entrée dans Paris certaines marchandises rares mais prisées (vin, café, sucre etc.) occasionnaient tant de mouvements d’opportunistes et de soiffards (venus profiter du vin bon marché de l’autre côté de la barrière) que le mur des fermiers généraux devenait une limite qui n’avait plus grand sens.
Ajoutez à ces raisons économiques et sociales la nécessité de défendre Paris avec une enceinte fortifiée et des forts de garnison, et l’on comprend pourquoi il apparaissait nécessaire de trouver des nouveaux espaces (qui plus est, en hauteur) et donc de repousser la barrière d’octroi.
Louis-Philippe confia à Thiers la mission de construire la fortification de Paris qui lui donne, encore aujourd’hui, l’essentiel de ces contours actuels. Cette enceinte fut achevée en 1844 et incluait la totalité des communes de Vaugirard, Belleville, Grenelle et La Villette ainsi qu’une partie d’Aubervilliers, Bagnolet, Gentilly et beaucoup d’autres communes bordant encore la capitale.
Cette enceinte achevée, il devenait urgent de faire coïncider les limites administratives de la commune de Paris avec sa nouvelle enceinte défensive. Ainsi, malgré l’opposition de tous les officiels et maires, Napoléon III décida de charger Haussmann d’agrandir administrativement Paris et de la faire passer des 12 arrondissements qu’elle comptait aux 20 actuels.
C’est ici que notre intrigue se joue. Le plan des 12 arrondissements était horizontal. Les arrondissements y étaient classés en deux lignes (la première étant au nord) ouest-est. Cette manière de classer a d’abord été envisagé. Seulement, elle souffrait d’un épouvantable inconvénient pour la bonne société des communes de l’ouest parisien (Auteuil et Passy) qui allaient se retrouvées absorbées. L’ouest parisien allait devenir le « 13ème arrondissement », et c’était tout bonnement inconcevable ☺.
En effet, lorsque Paris ne comptait que 12 arrondissement, l’expression « se marier à la mairie du 13ème » signifiait : vivre en concubinage avec quelqu’un, sans se soucier du sacrément du mariage ou de la bonne moralité civile. Impossible pour les bourgeois des hôtels particuliers et château d’Auteuil ou Passy de se voir assimilés à de si viles mœurs.
Le maire de Passy, M. Possoz, allait défendre l’honneur de ses administrés et usa de son entregent pour éviter la catastrophe. Après une brève audience au cabinet d’Haussmann, il obtint un délai de deux jours pour trouver une nouvelle idée de numérotation. L’idée de l’escargot tomba à pic, les bourgeois furent entendus et on laissa les chiffonniers d’Ivry et de Gentilly se débrouiller avec la blague et le déshonneur.
Ce fait tout simple et à la trivialité touchante (« oh non, maîtresse, on veut pas jouer en rouge, le rouge c’est la couleur des communistes ! ») illustre la prise des privilégiés sur les politiques et nos décisions d’urbanismes. Grâce à leurs relations, les bourgeois du XVIème ont donc bien fait de Paris un escargot !
Sources :
– Merci aux images de l’émission de télévision Karambolage, « La ville », 12 septembre 2010, ARTE. Lien vers la vidéo Youtube.
– Ce sublime article de Wikipédia sur les arrondissements parisiens : cliquez ici.
– Cette conférence (citée dans l’article wiki) de Michel Carmona sur « Le Paris d’Haussmann », produite dans le cadre de l’Université de tous les savoirs : cliquez ici.
C’est fou que la géographie des arrondissements soit modifiée simplement pour… une expression !!
Cool pour les liens, c’est chouette de pouvoir lire vos commentaires et voir sur quoi vous vous appuyez.
C’est très intéressant.
Merci !