Pourquoi Jean-Pierre Pernaut saoule ta mémé avec le CAC 40 ? – Blabla #02

C’est devenu une coutume, une institution ! Entre le fromage et le dessert, après les glaïeuls d’Illyrie et l’outillage traditionnel du cressiliculteur fabriqué à St-Hilaire, Jean-Pierre Pernaut nous donne des nouvelles de la Bourse, du Cac 40. Mais pourquoi diable parler à son auditorat inactif (59%) des variations du cours de la Bourse ?!

Le Cac 40 étant un indice agrégé des variations de prix de toutes les actions cotées, l’info ne concerne certainement pas les petits porteurs d’actions. Lorsqu’ils surveillent leurs investissements, ils n’ont que quelques cours à consulter, et certainement pas quotidiennement. De même, on ne voit pas trop pourquoi de grandes institutions financières, qui prennent parfois des positions à la nano seconde, auraient cure de cet instantanée du Cac 40 à 13h42.

Si ce n’est une information pour personne, pourquoi la « Bourse de Paris » conclue-t-elle le journal télévisé de 13h à la meilleure audience d’Europe ?

Faisons un peu d’histoire pour éclairer ce mystère.
Jean-Pierre Pernaut arrive au 13h de TF1 en 1988. C’est alors la nouvelle tête introduite par Bouygues pour montrer aux salariés les nouvelles méthodes amenées par la « gestion privée » (TF1 a achevée sa privatisation en avril 1987).
En 1988, la Bourse de Paris est toute fraîche. Les agents de changes ont encore le monopole des transactions, l’essentiel des cotations se déroule encore à heures fixes, les fonds de pension n’existent pas et la libre circulation des capitaux est loin d’être aussi parfaite qu’aujourd’hui.
En 1988, personne ne se souciait vraiment de la Bourse. Elle occupait une double page des quotidiens du soir. Beaucoup trop peu pour les ambitions des actionnaires.
Les géants du BTP Bouygues, tous contents d’avoir raflé le pactole de l’audiovisuel dans la farandole de privatisations des années 80, ont bien senti que « les temps avaient changé », il fallait dorénavant fixer la bourse dans la tête des citoyens, des ptis gens.
Le journal de 13h du tout frais Pernaut était le véhicule idéal pour diffuser sans cesse, comme une litanie, la présence de ce nouvel acteur, de plus en plus incontournable : LA BOURSE.

La chaîne s’empressa de doter le nouveau 13h d’antennes régionales et de faire le choix éditorial de la proximité, des pâquerettes et des petits zoziaux.
Ainsi, comme ta mémé, cinq millions de ptits gens, de citoyens normaux, se sont trouvés abreuvés chaque midi d’une information aussi bucolique que Marine à la ferme mais accomplissant enfin le dessein de la modernité : faire entrer la haute finance et les grands patrons dans l’imaginaire formica et bahut de chêne.

C’était donc pour nous FOUTRE CETTE PUTAIN DE FINANCE DANS LE CRÂNE que Pernaut saoule nos mémés tous les jours avec son Cac 40 frelaté.

Développement de certains points mentionnés dans la vidéo :

– Le premier fond de pensions à avoir pris le contrôle par la menace d’une entreprise et de ses administrateurs est CalPERS (le système de retraite des fonctionnaires de Californie). Dès 1987, il use de son poids en action dans les conseils d’administration pour faire adopter des décisions soutenant ses exigences de cours boursiers. Et à partir de 1911, il intervient même auprès des boards et parvient à faire licencier les présidents de IBM, American Express, Kodak et General Motors. CalPERS ouvrait donc une longue période de mainmise de la finance à court terme sur les objectifs industriels et les intérêts des salariés.

– Si vous voulez vous faire une idée plus précise du personnage qu’est Jean-Pierre Pernaut et du contexte de sa nomination, voici l’excellent et très complet article de l’Observatoire des journalistes et de l’information médiatique : voici le lien.

– Que mes amis bugistes me pardonnent, les toits de cette belle région au sud du Jura sont plus souvent en tuile alors que leurs maisons sont en pierre. Plus de précisions ici.

Néanmoins, Sallam à Oyonnax pour leur parcours en top 14 ! ☺

1 commentaire

  • Avenante david dit :

    Correction:

    A la fin de la phrase :
    « Dès 1987, il use de son poids en action dans les conseils d’administration pour faire adopter des décisions soutenant ses exigences de cours boursiers. Et à partir de 1911 »

    je pense que tu voulais dire 1991 et non 1911

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